Madone du Chancelier Rolin

Il y a très peu d’expériences dans la vie qui nous procurent un choc aussi puissant et un plaisir aussi profond que d’être en présence d’un chef-d’œuvre. C'est un pouvoir mystérieux et magique qui nous fascine. C'est l'expérience que vivent les visiteurs lorsqu'ils se précipitent au 1er étage de l'aile Richelieu du Louvre pour visiter la nouvelle exposition consacrée au peintre flamand Jan van Eyck, intitulée Revoir Van Eyck (« Revoir Van Eyck »). Il permet de découvrir l'un des chefs-d'œuvre de la collection du musée - et même de l'art occidental : la Madone du Chancelier Rolin, peinte vers 1435. Le tableau est le seul de Jan van Eyck dans une institution française, mais le Louvre en a rassemblé six des peintures de van Eyck pour cette exposition, parmi lesquelles un autre chef-d'œuvre du Städel Museum de Francfort, la Madone de Lucques. C'est un véritable tour de force : l'artiste a réalisé une vingtaine de tableaux que les historiens de l'art peuvent lui attribuer avec une grande confiance.

Jan Van Eyck, Annonciation. Galerie nationale d'art, Washington

La vie de Van Eyck est aussi quelque peu une énigme. Nous ne sommes pas sûrs de la date et du lieu de sa naissance, probablement vers 1380. Il fut peintre de la cour de La Haye puis de Bruges et sa technique et son style étaient considérés comme révolutionnaires. Mais il agissait aussi parfois comme émissaire pour des missions diplomatiques, comme préparer le mariage de Philippe le duc de Bourgogne avec Isabelle du Portugal.

L'ensemble de l'exposition est organisé autour de la profondément énigmatique Madone du chancelier Rolin . La commissaire Sophie Caron l'a entouré de 60 œuvres de certains contemporains de Van Eyck pour nous aider à le comprendre : Rogier van de Weyden, Robert Campin, Hieronimus Bosch et quelques-uns des plus beaux manuscrits de cette époque.

Le Revoir van Eyck est la première occasion de voir la Madone du Chancelier Rolin depuis sa récente restauration. Elle n'a jamais été restaurée depuis son acquisition par le Louvre en 1800.

La Madone du chancelier Rollin est un tableau quelque peu mystérieux : pourquoi van Eyck, peintre de la cour flamande, a peint cette œuvre pour Nicolas Rolin, chancelier du duché de Bourgogne ? Pourquoi a-t-il peint le paysage d’arrière-plan à une échelle si petite qu’il en est illisible ? Comment interpréter les deux petits personnages du jardin ?

Pour nous aider à comprendre cette œuvre d'une grande beauté, l'exposition est divisée en six sections permettant aux visiteurs d'entrer progressivement dans le tableau placé au centre de la salle : la rencontre entre Rolin et la Madone et l'Enfant Jésus. La taille et l'échelle de Rolin rivalisent avec celles de Mary, ce qui est très inhabituel ; le portrait de Rolin en robe laish s'écarte de la tradition des vêtements plus sobres ; l'architecture entourant la rencontre, qui souligne le caractère exceptionnel de la rencontre ; le paysage de fond luxuriant. Jamais van Eyck n’a représenté un paysage d’une telle richesse et d’un tel détail. Le but de ce paysage est de servir de conduit à la méditation et à la prière ; le jardin et les deux personnages nains qui nous servent de guides pour nous entraîner dans le paysage.

Chacun de ces différents thèmes est illustré et expliqué par des œuvres de van Eyck lui-même ou d'autres artistes contemporains ainsi que par des chefs-d'œuvre de magnifiques livres d'heures issus de plusieurs collections. « La Madone du chancelier Rolin illustre les tensions au sein de l'art flamand de la première partie du XVe siècle entre traditions médiévales et expérimentations révolutionnaires », explique Sophie Caron, commissaire de l'exposition. Cette tension se fait sentir six siècles plus tard. On sort de l'exposition la tête bourdonnante de la puissance des œuvres. Nous sommes également plongés dans un état méditatif devant tant de beauté et de mystère.
Jean-Sébastien Stehli

Jan Van Eyck, Portrait de Baudoin de Lannoy, Stäatliche Museen zu Berlin .

Revoir Van Eyck. La Vierge du Chancelier Rolin. Musée du Louvre. Jusqu'au 17 juin 2024. Louvre.fr/revoir-van:eyck
Jean Sebastien Stehli